Ces dernières années et non sans raison, les SCPI sont devenues l’un des placements préférés des Français. Il faut dire que dans un contexte de taux durablement bas, où les placements sécurisés ne rapportent rien, où les obligations dites « prime » sont à taux négatif et où les marchés actions semblent relativement élevés notamment par rapport au contexte, la régularité du rendement et la relative stabilité de la valorisation de la pierre papier en font le placement ayant le meilleur couple rendement/risque.
Le plus grand point faible des SCPI est la fiscalité. Alors que les produits financiers ont bénéficié en 2018 du retour d’une fiscalité forfaitaire plus raisonnable, les placements immobiliers continuent de subir le poids du barème progressif.
En parallèle des rendements quasi exceptionnels des SCPI, le plus important des placements financiers (en terme de capitalisation), l’assurance vie, voit le rendement des fonds euros s’effondrer. En outre, les assureurs imposent de plus en plus de contraintes sur la composition des allocations en assurance vie pour des questions de marge et de ratio.
L’association d’un produit offrant une bonne rentabilité et d’une enveloppe fiscale cherchant un second souffle semble donc idéale. Elle permet pour la SCPI de bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse et d’une liquidité totale garantie par l’assureur. Pour l’assureur et les conseillers, elle permet d’avoir une UC complétant facilement une diversification devenue obligatoire.
Mais cette combinaison est-elle si parfaite ?
Pour s’en assurer, un seul moyen : un comparatif.
Les hypothèses de départ :
L’intérêt d’une simulation et du comparatif qui en découle dépend des hypothèses retenues. Par souci de transparence, nous allons donc détailler ces hypothèses :
> Placement d’un capital de 100 000 €
> Frais d’entrée de la SCPI de 10 % en direct, 7,5 % en assurance vie
> Frais d’entrée de l’assurance vie de 1 %
> Frais annuels de gestion de 1%
> Rendement des SCPI de 4 %
> Taux de distribution du revenu des SCPI en assurance vie de 85 % (le complément étant conservé par l’assureur pour compenser la garantie de liquidité que l’assureur apporte sur les SCPI. Cette liquidité totale n’existe pas pour les SCPI détenues en direct à moins de trouver un acquéreur ou de faire appel au fond de remboursement.)
> TMI de 30 %
> Couple ayant moins de 150 000 € chacun placé en assurance vie
> Valeur d’une SCPI en année 1 : 100 €
> Revalorisation annuelle d’1 % des prix de part
> Délai d’entrée en jouissance : aucun en assurance vie, 6 mois pour la SCPI détenue en direct
Dans cet exemple nous n’évoquerons pas les différentes optimisations possibles comme l’effet de levier du crédit, un choix de SCPI ayant un taux de distribution plus important, la composante internationale de la composition des portefeuilles de SCPI bénéficiant d’une fiscalité plus avantageuse ou encore le démembrement de propriété. Nous chercherons juste à comparer une SCPI de rendement classique détenue en direct et la même SCPI détenue en assurance vie.
1- SCPI en direct :
100 000 € à 4 % rapportent 4 000 € annuel.
En tenant compte d’un TMI de 30 %, de prélèvements sociaux de 17,2 % et d’une CSG déductible de 6,8 %, le poids de la fiscalité sera de 1 806,40 € (4 000 x (30 % + 17,2 % - (6,8 % x 30 %)) soit un rendement net de 2 193,60 €/an => 2,19 %.
2- SCPI en assurance vie :
En assurance vie, les choses sont bien plus compliquées avec 1 % de frais d’entrée sur le contrat, des frais d’entrée souvent réduits sur les SCPI, une distribution souvent partielle du revenu, le calcul de la base imposable du retrait, …
> 100 000 € - 1 % de frais d’entrée = 99 000 €
> 99 000 x 4 % x 85 % = 3 366 € de revenus pour l’année
> A ce montant, nous allons déduire 1 % de frais de gestion sur la valeur du contrat : (99 000 – 7,5 %) x 1 % = 915,75 €, 3 366 – 915,75 = 2 450,25 €
> A ce nouveau montant nous allons déduire 17,2 % de prélèvements sociaux (qui seront dus à un moment ou un autre – par choix et sous réserve d’une bonne utilisation de l’assurance vie, nous supposerons que ce montant bénéficiera de l’abattement de plus de 8 ans de l’assurance et ne subira donc pas d’imposition complémentaire) :
> 2 450,25 x 17,2 % = 421,44 €
> 2 450,25 – 421,44 = 2 028,81 € de rendement net soit 2,03 %.
3- Premières conclusions :
> La totalité de l’avantage fiscal procuré par l’assurance vie se retrouve compensée par le poids des frais de gestion. On se retrouve même avec un rendement très légèrement inférieur.
> La SCPI dans l’assurance vie n’est donc pas une combinaison miracle mais une combinaison intéressante.
> L’assurance vie a de très nombreux avantages :
- - Capitalisation des revenus
- Fiscalité sur la transmission du patrimoine très avantageuse
- Arbitrage facile et rapide
- Liquidité garantie par l’assureur
> Comparé à un rendement net de 0.83 % sur un fond euros (1 % moins les prélèvements sociaux de 17.2 %), le rendement de 2,03 % offert par les SCPI reste très intéressant même si on est loin des 4 % bruts initiaux. Par conséquent, même si nous ne sommes pas sur une combinaison miracle, nous avons une combinaison efficace qui intéressera un certain nombre de clients à la recherche d’un peu de rendement, d’une diversification obligatoire et ayant une appétence au risque relativement faible.
4- Allons plus loin
Allons plus loin en étant plus précis avec deux projections dans le temps. Dans la première, nous allons imaginer un besoin de revenu complémentaire qui sera consommé, et pour cela un rachat programmé de 2 300 € bruts annuels pour s’aligner approximativement sur les revenus nets de fiscalité du point 1 sera comptabilisé pour l’assurance vie. Dans cette configuration, l’assurance vie sera désavantagée dans le temps. En effet les frais de gestion annuels du contrat ne sont pas prélevés sur la rentabilité distribuée mais directement en capital. Cela a pour conséquence de le « grignoter » petit à petit et donc de réduire la base productrice de revenus.
Dans la seconde, nous procèderons à un réinvestissement automatique des revenus des SCPI. Dans ce scénario la SCPI détenue en direct sera désavantagée par le poids des frais d’entrée alors que l’assurance vie bénéficiera de l’absence de la fiscalité pendant la phase de capitalisation et de frais d’entrée des SCPI un peu moins élevés.
1ère simulation : SCPI en direct et distribution sans réinvestissement des revenus
A partir de nos hypothèses de départ, nous obtenons :
> Un patrimoine valorisé au bout de 20 ans à 108 730 €, soit plus que le montant brut investi.
> Il est intéressant de noter qu’avec 1 % de revalorisation de prix de part, il faut attendre la 12ème année pour compenser les 10 % de frais d’entrée.
> Le revenu distribué ne cesse d’augmenter, ce qui est logique avec une fiscalité constante, un prix de part qui augmente et un rendement constant de 4 % calculé sur le prix de part.
> Si nous liquidons les parts de SCPI au terme des 20 ans :
- - Le client a reçu 48 301 € de revenus nets de toute fiscalité
- Le client reçoit un capital net de plus-value immobilière de 107 415.04 €
- Soit un total de 155 716 €
2ème simulation : SCPI en assurance vie et distribution sans réinvestissement des revenus
A partir de nos hypothèses de départ, nous obtenons :
>Un patrimoine valorisé au bout de 20 ans à 91 211 €.
> Les frais de gestion de 1 % annuel sont très logiquement compensés par les 1 % de revalorisation du prix de part. Au final, notre capital reste quasi-constant.
> Si le revenu brut distribué est constant ou presque, le revenu net, lui, ne cesse de diminuer. En effet la quote-part d’intérêts taxables dans le retrait ne cesse d’augmenter. Malgré cette baisse constante au bout de 20 ans, le revenu net distribué par l’assurance vie est plus important que celui des SCPI détenues en direct. En poursuivant la simulation, l’équilibre des revenus nets arrive au bout de 26 ans.
> Si nous liquidons le contrat d’assurance vie au terme des 20 ans :
- - Le client a reçu 65 847 € de revenus nets de toute fiscalité
- Le client reçoit un capital brut de 91 211 € (dont 52 241 € d’intérêts), soit 78 997 € nets
- Soit un total de 144 844 €
En conclusion, pour une distribution sans réinvestissement :
> Les SCPI en direct sont plus rentables avec ces hypothèses
> Sans la revalorisation des parts de SCPI, le résultat aurait été bien plus mauvais pour le contrat d’assurance vie
> Ces simulations et ces conclusions fonctionnent sur un seul objectif, la distribution, et ne tiennent pas compte de la psychologie du client, de ses attentes, de son appétence au risque, … Bref cela ne correspond pas à la vraie vie, même si le résultat est intéressant et donne à réfléchir.
Nous allons maintenant reprendre exactement la même situation en ne changeant qu’un seul paramètre. Cette fois les revenus des SCPI seront réinvestis, aussi bien pour celles détenues en direct que celles détenues en assurance vie.
3ème simulation : SCPI en direct et réinvestissement des revenus
A partir de nos hypothèses de départ, nous obtenons :
> Un nombre de parts qui augmente, tout comme la valorisation du patrimoine brut 163 548 € et le montant des revenus annuels nets 3 986 €.
4ème simulation : SCPI en assurance vie et réinvestissement des revenus
A partir de nos hypothèses de départ, nous obtenons :
> Un nombre de parts qui augmente, tout comme la valorisation du patrimoine brut 174 952 € et le montant brut de 6 609 €.
En conclusion, avec réinvestissement :
> L’effet de capitalisation de l’enveloppe fiscale assurance vie prend tout son sens.
> Dans ces deux simulations, il n’y a pas de liquidation au terme comme pour les simulations 1 et 2 car cela n’aurait aucun sens patrimonialement :
- - En direct les SCPI sont des produits d’épargne long terme, il serait contreproductif d’acquérir des parts juste avant de les revendre.
- En assurance vie, la fiscalité évoluera énormément en fonction de la sortie (en une fois, progressivement ou en transmission).
- Il y a donc trop de cas de figures différents et d’incohérences pour que la liquidation ait un sens.
- Néanmoins on peut faire le calcul pour le plaisir : on obtient un patrimoine net de 162 106 € pour les SCPI en direct et 157 129 € pour l’assurance vie (clôture du contrat au terme des 20 ans).
Ces simulations et ces conclusions fonctionnent sur un seul objectif, la distribution, et ne tiennent pas compte de la psychologie du client, de ses attentes, de son appétence au risque, du reste de son patrimoine, de sa situation, … Bref, cela ne correspond pas à la vraie vie, même si le résultat est intéressant et donne à réfléchir.
5- Conclusions complémentaires
> Le but de l’article n’est pas de démontrer que la détention de parts de SCPI est plus avantageuse en direct plutôt qu’en assurance vie, mais simplement d’attirer l’attention sur le fait la combinaison de deux produits très intéressants donne une solution très intéressante et non miraculeuse.
> L’effet temps a un effet important sur l’impact des frais de gestion.
> La SCPI, quelle que soit sa forme de détention, est très intéressante.
> La SCPI en direct et l’assurance vie sont deux solutions d’investissement long terme mais avec des objectifs différents.
6- Information
Pour les assurés détenant des parts de SCPI dans leur contrat d’assurance vie, il y a tout de même une remarque à faire. Le revenu de la SCPI est distribué et non capitalisé sur le support (même s’il capitalise dans l’assurance vie). Cela a pour conséquence que sur le relevé de compte annuel, la ligne SCPI restera négative pendant de longues années. Ceci est dû aux frais d’entrée de la SCPI et que le revenu des SCPI étant distribué ne permet pas de revaloriser la valeur de la ligne. Il faudra donc attendre une revalorisation de la valeur des parts pour revenir en positif, ce qui peut prendre plusieurs années et surprendre si l’on n’a pas été averti en amont.